L’Iran durant la 2e Guerre Mondiale

L’Iran du début du XXe siècle et pendant la Seconde Guerre mondiale est un pays en quête d’équilibre. Entre traditions ancestrales et aspirations modernes, il navigue dans un monde en pleine mutation. Tandis que les puissances coloniales étendent leur influence, l’Iran lutte pour préserver son indépendance et moderniser ses infrastructures. Ce récit retrace les défis auxquels il a été confronté, de la famine à l’occupation, en passant par les tentatives de modernisation.

La situation économique

Ce qu’il faut retenir :

  • L’économie iranienne repose sur l’agriculture.
  • Le pays est alors l’un des plus pauvres du monde.
  • La population est de 15 millions d’habitants.
  • L’état est frappé par plusieurs famines durant le début du 20e siècle.
  • Les infrastructures routières et électriques sont peu développées.

Un pays en retard par rapport à ses voisins

L’Iran du début du XXe siècle est un pays essentiellement rural, où l’agriculture constitue le pilier de l’économie. Malgré l’absence de données précises, les estimations historiques suggèrent une population d’environ 10 millions d’habitants en 1900. Celle-ci atteint 15 millions à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Cette croissance démographique modérée s’accompagne d’une répartition géographique stable. En effet, près de 80% de la population vit en milieu rural, subsistant grâce à une agriculture traditionnelle.

L’industrie, quant à elle, est encore balbutiante. En 1910, on ne compte que 6 700 travailleurs qualifiés dans ce secteur. La part de l’industrie dans le PIB est minime, inférieure à 10%, témoignant d’une économie largement dépendante des ressources agricoles. Les usines sont de petite taille et emploient en moyenne seulement 16 personnes en 1922. Cette situation économique fragile est aggravée par un sous-développement généralisé. L’ambassadeur britannique Percy Cox décrit même l’Iran comme étant dans un « sous-développement abyssal ».

Pour tenter de remédier à cette situation, le gouvernement iranien a mis en place quelques réformes. La création d’un institut technique, où des experts européens forment de jeunes Iraniens, témoigne d’une volonté de moderniser le pays. Par ailleurs, des mesures incitatives, comme l’exonération de taxes à l’importation pour les machines industrielles et agricoles, sont  adoptées pour encourager l’investissement. Cependant, ces efforts sont limités et ne suffisent pas à transformer en profondeur l’économie iranienne. L’Iran des années 1930 reste un pays essentiellement agraire, avec une population rurale majoritaire et une industrie faiblement développée. Cette situation évolue avec les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale, mais les fondations d’une économie moderne étaient encore à poser.

Fermiers en Iran
Fermiers en Iran (source : National Museum of Asian Art)

La famine, un ennemi récurrent

Entre 1914 et 1917, une famine d’une ampleur sans précédent ravage l’Iran. Les causes de cette catastrophe sont multiples : conditions climatiques extrêmes, instabilité politique et économique. Les estimations du nombre de victimes varient considérablement selon les sources. Cependant, il est généralement admis que plusieurs millions d’Iraniens ont péri de faim durant cette période. Des milliers de villages sont abandonnés, témoignant de l’ampleur du désastre.

Il est important de noter que cette famine n’est pas un événement isolé. L’Iran avait déjà connu une crise alimentaire d’une gravité comparable dans les années 1870, faisant également des millions de morts. Et ce n’est pas la dernière, puisque le pays est à nouveau frappé par une famine généralisée pendant la Seconde Guerre mondiale, entre 1939 et 1945.

Plusieurs facteurs expliquent cette récurrence des famines en Iran :

  • Infrastructures faibles : Le manque de routes, de canaux d’irrigation et de systèmes de stockage des récoltes amplifie les effets des mauvaises récoltes.
  • Instabilité politique : Les conflits internes et les interventions étrangères perturbent la production agricole et les distributions alimentaires.
  • Vulnérabilité aux maladies : Les famines sont souvent accompagnées d’épidémies, aggravant la situation humanitaire.

Des infrastructures à construire

L’Iran des années 1920 est un pays aux infrastructures rudimentaires. Les communications sont difficiles, les transports lents et coûteux, et les échanges commerciaux entravés par l’état des routes. Pour remédier à cette situation, le Shah Reza Pahlavi lance un ambitieux projet de modernisation : la construction du Trans-Iranien.

En 1927, le Shah décide d’ériger une ligne ferroviaire de 1 394 kilomètres traversant tout le pays, reliant les ports de Bandar Shah et Bandar Shahpur. Ce projet colossal nécessite onze années de travaux acharnés et la construction de plus de 230 tunnels et 4 100 ponts. Il s’agit d’un véritable défi technique et logistique pour un pays aux ressources limitées. Le coût de la construction du Trans-Iranien est exorbitant pour l’Iran de l’époque. Le projet nécessite un financement de 250 millions de dollars, une somme considérable, levée grâce à l’imposition de taxes sur le thé et le sucre.

Malgré la construction du Trans-Iranien, les infrastructures iraniennes restent largement déficitaires dans les années 1920. En dehors des grandes villes comme Téhéran, Tabriz, Ispahan et Rasht, qui sont déjà électrifiées, la plupart des régions du pays sont privées d’électricité.

Fabrication vêtement coton
Fabrication de vêtement en coton (source : National Museum of Asian Art)

La situation militaire

Ce qu’il faut retenir :

  • L’armée n’est pas adaptée à un conflit entre nations.
  • Un effort est fait de la part du Shah pour moderniser l’outil militaire.
  • L’armée de terre manque d’artillerie lourde et de chars modernes.
  • La marine commence à peine à se moderniser.
  • L’aviation est à ses balbutiements.
  • L’armée compte 126 000 hommes.

Une armée inadaptée à un conflit d’importance

L’armée iranienne du début du XXe siècle est loin d’être une force homogène et efficace. Héritage d’un passé marqué par les rivalités tribales et les ingérences étrangères, elle est plutôt un conglomérat de milices éparses et mal équipées. Plutôt que de pouvoir répondre à un conflit avec des puissances extérieures, son but est de servir de police de l’intérieur au Shah. Avant la prise de pouvoir de Reza Shah en 1921, l’armée iranienne est divisée en plusieurs entités, chacune ayant ses propres intérêts et allégeances. La brigade cosaque persane, entraînée par des officiers russes, et la gendarmerie, dirigée par des Suédois, sont les forces les plus modernes et les mieux organisées. Mais elles cohabitent avec des unités plus traditionnelles, fidèles aux anciens dirigeants ou aux chefs de tribus.

Selon les estimations de Kaveh Farrokh, spécialiste de l’histoire militaire iranienne et conférencier régulier de l’Université de la Colombie-Britannique, l’armée iranienne compte environ 22 800 hommes en 1921, répartis entre ces différentes forces :

  • 7 000 hommes de la brigade cosaque persane.
  • 12 000 hommes de la gendarmerie.
  • 1 800 hommes des brigades de l’ancienne dynastie Qajar.
  • 2 000 hommes affiliés à l’ancien ministre de la Guerre.

Avec le coup d’Etat de Reza Shah, une nouvelle ère s’ouvre pour l’armée iranienne. Conscient des faiblesses de ses forces armées, le nouveau souverain entreprend une vaste entreprise de modernisation. Il ordonne la création de cinq divisions d’infanterie comprenant chacune 10 000 hommes. Pour financer cette modernisation, Reza Shah n’hésite pas à consacrer 50% du revenu national brut à l’armée. L’objectif est double : renforcer la puissance militaire de l’Iran et développer une industrie de défense nationale. Ainsi, l’Iran acquit de nouvelles armes et équipements, et commence à produire localement certains matériels.

En 1922, le pays possède 37 000 fusils, 66 mitrailleuses et 86 pièces d’artillerie. En 1941, il possède 507 000 fusils, 8100 mitrailleuses et 870 pièces d’artillerie.

La Garde cosaque persanne
La Garde cosaque persanne en 1908

La situation de l’armée

À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, l’armée iranienne présente un visage contrasté, mêlant équipements modernes et matériels obsolètes. Les efforts de modernisation entrepris sous le règne de Reza Shah ont permis d’améliorer sensiblement le niveau d’équipement des forces armées iraniennes, mais des disparités importantes subsistent.

L’infanterie iranienne est équipée de fusils relativement modernes, tels que le Berno e Kootah, un modèle tchèque fabriqué sous licence en Iran. Cependant, le système de conscription, hérité de la dynastie Qajar, est complexe et favorisait la corruption. Les quotas de recrutement sont fixés en fonction de la superficie des terres, ce qui entraîne des inégalités entre les différentes régions du pays. Par conséquent, les 5 nouvelles divisions n’atteindront pas leur objectif de 10 000 hommes chacune. Au total, l’armée iranienne dispose donc au début de la Seconde Guerre mondiale de 126 000 hommes dont 40 000 soldats de formation.

En ce qui concerne l’artillerie, l’Iran dispose d’un parc hétérogène et souvent dépassé. Les Bofors 75 mm et les canons de 75 modèle 1914 Schneider, bien que nombreux, sont considérés comme obsolètes par rapport aux standards de l’époque.

Les forces blindées iraniennes sont également marquées par une grande diversité de matériels. L’Iran possède des chars légers comme les FT-17 et des chars moyens comme les ČKD LT vz. 38 (futurs Panzer 38T). Ces véhicules sont complétés par une flotte de véhicules blindés, tels que les Rolls Royce India et les LaFrance TK-6. Cependant, le nombre total de chars et de véhicules blindés reste relativement faible par rapport aux grandes puissances. En effet, l’état aligne 200 chars en 1941 et 102 véhicules blindés.

Armée iran Seconde Guerre mondiale
Manœuvre militaire entre 1870 et 1920 (source : National Museum of Asian Art)

La situation de la marine

Parallèlement aux efforts de modernisation de l’armée de terre, le Shah Reza Pahlavi s’attache à renforcer la marine iranienne. Bien que moins puissante que les marines des grandes puissances, la marine iranienne joue un rôle stratégique dans la protection des côtes et des intérêts maritimes du pays. Au début du XXe siècle, la marine iranienne est une force navale relativement modeste. Les navires sont souvent anciens et mal entretenus. Pour remédier à cette situation, le Shah décide d’investir dans la modernisation de sa flotte.

En 1922, un premier pas est franchi avec l’achat à l’Allemagne du démineur FM24, rebaptisé Fatiya. Ce navire, bien que datant de la Première Guerre mondiale, constitue un atout précieux pour la marine iranienne. Par ailleurs, un budget de 200 000 tomans est décidé en 1928 et alloué à la modernisation de la flotte existante et à l’acquisition de nouveaux navires. Le ministère de la Guerre fait appel à des experts italiens pour l’assister dans cette tâche. Ce partenariat avec l’Italie permet à l’Iran d’acquérir de nouveaux navires modernes. Ainsi, deux sloops, quatre vedettes torpilleurs et six canonnières à moteur sont achetés aux italiens. En tout, le pays aligne 15 navires.

En parallèle de ces acquisitions matérielles, le Shah met l’accent sur la formation des marins iraniens. Des officiers italiens sont invités à former les équipages iraniens aux nouvelles techniques de navigation et de combat.

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La situation de l’aviation

L’aviation militaire iranienne voit le jour sous le règne de Reza Shah, qui comprend l’importance de cette nouvelle arme pour la défense du pays. Cependant, les débuts de l’aviation iranienne sont marqués par de nombreuses difficultés. Dans un premier temps, l’Iran se tourne vers les États-Unis pour acquérir des avions. Malheureusement, les Américains refusent de vendre des avions à l’Iran en raison du traité de Versailles. C’est finalement l’Allemagne qui fourni les premiers avions à l’Iran, deux Junkers JU-F13. Entre 1923 et 1925, les Russes livrent également des appareils de différents modèles : des DH-4, DH-9 et Avro-504. La flotte est finalement complétée par des appareils achetés à la France : des Spad-42, Potez-8, Breguet-14, et Breguet-19.

Ces partenariats permettent aussi à l’Iran d’envoyer des pilotes et personnels au sol s’entraîner en Russie et en France. Au même moment, un instructeur allemand dénommé « Schefer » forme aussi des recrues directement en Iran.

À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, l’aviation iranienne dispose d’environ 400 avions de 18 modèles différents, répartis sur neuf bases aériennes. Cependant, une grande partie de cette flotte est constituée d’avions de transport et d’entraînement, et de nombreux appareils sont en mauvais état. En réalité, l’Iran ne dispose que d’une quarantaine d’avions de combat, souvent obsolètes, pour faire face à une éventuelle agression. Le pays peut aussi s’appuyer sur une école de formation à la maintenance et l’usine Shahbaz produisant 3 types d’appareils. En tout, la force aérienne se compose de 1000 personnes.

Avion iran Seconde Guerre mondiale
Avion allemand Junkers en Iran en 1928 (source : National Museum of Asian Art)

La situation politique

Ce qu’il faut retenir :

  • Dans les années 1900, un Parlement est créé.
  • Les iraniens sont lassés par les ingérences étrangères.
  • Reza Khan organise un coup d’Etat en 1921 et devient Shah.
  • L’Iran devient un état centralisé.

La Révolution constitutionnelle

Au tournant du XXe siècle, l’Iran, alors connu sous le nom de Perse, est un pays profondément marqué par un système féodal. Le pouvoir est dispersé entre le Shah, les mollahs et les chefs de tribus, qui jouissent d’une grande autonomie. Ce système, bien qu’ancré dans la tradition, ne pouvait plus répondre aux aspirations de modernisation d’une partie de la population, notamment de la bourgeoisie et des intellectuels. C’est dans ce contexte que des mouvements sociaux de plus en plus puissants commencent à émerger dès le début du XXe siècle. Les Iraniens aspirent à un État plus moderne, où les pouvoirs du Shah sont limités et où les citoyens auraient davantage de droits.

Entre 1905 et 1911, l’Iran connait une véritable révolution constitutionnelle. Les manifestants, inspirés par les révolutions qui secouent alors le monde, exigent la mise en place d’une constitution et d’un Parlement. Ces revendications aboutissent finalement à la création du Majlis, le Parlement iranien. Malheureusement, la victoire des révolutionnaires est de courte durée. L’intervention militaire russe en 1911 met fin à cette période de réformes. Les troupes russes répriment les mouvements de protestation et assassinent de nombreux constitutionnalistes. Malgré cette répression, la Révolution constitutionnelle ouvre une brèche dans l’ordre établi.

La Révolution constitutionnelle a des conséquences durables sur l’Iran. Elle marque le début d’un processus de modernisation et contribue à renforcer le sentiment national. Cependant, les institutions démocratiques mises en place sont rapidement affaiblies par les ingérences étrangères et les luttes intestines. La fin de la Révolution constitutionnelle ne met pas un terme aux troubles. En réaction à la répression russe et à la signature du traité anglo-persan de 1919, considéré comme une atteinte à la souveraineté nationale, plusieurs régions d’Iran se révoltent. L’Azadistan et le Gilan proclament ainsi leur indépendance, mais ces républiques éphémères sont rapidement écrasées par les forces gouvernementales.

Reza Shah Pahlavi
Reza Shah Pahlavi alors Ministre de la Guerre (source : National Museum of Asian Art)

Le coup d’Etat

L’Iran du début du XXe siècle est un pays en proie à de profondes instabilités. Affaibli par les interventions étrangères et les luttes intestines, le pouvoir central est affaibli. C’est dans ce contexte que Reza Khan, commandant de la brigade cosaque persane, s’empare du pouvoir en 1921. Soutenu par les Britanniques qui voit en lui un allié fiable dans la région, Reza Khan organise un coup d’État contre le Shah Ahmad. À la tête de ses 2 500 cosaques, il prend rapidement le contrôle de la capitale et s’impose comme le nouvel homme fort du pays. En 1925, il est officiellement couronné Shah, mettant ainsi fin à la dynastie Qajar. L’État sublime de Perse change alors de nom en 1935 pour devenir l’Iran.

Reza Shah entreprend rapidement de moderniser l’Iran. Il lance d’ambitieux projets d’infrastructures, comme la construction du Trans-Iranien, une ligne de chemin de fer qui doit relier les différentes régions du pays. Il réforme également le système éducatif, rendant l’école obligatoire et créant de nombreuses écoles. La fondation de l’Université de Téhéran marque une étape importante dans la modernisation du pays. Pour mener à bien ses réformes, Reza Shah instaure un régime autoritaire. Il supprime les libertés individuelles, interdit les rassemblements politiques et musèle la presse. De nombreux opposants sont arrêtés et emprisonnés. Le Shah impose une politique de centralisation du pouvoir, réduisant ainsi l’influence des tribus et des religieux.

Shah Ahmad Mirza Kadjar
Le Shah Ahmad Mirza Kadjar en 1922, exilé en France après le Coup d’état de 1921

La situation diplomatique

Ce qu’il faut retenir :

  • Les Russes et les Britanniques ont des vues sur le pays.
  • Reza Shah veut assurer l’indépendance de sa nation.
  • Il se rapproche alors de l’Allemagne.
  • Malgré ce rapprochement, l’Iran reste neutre au début de la 2e Guerre mondiale.
  • La Guerre du Désert fait de l’Iran un secteur stratégique.
  • Cet intérêt redouble avec l’entrée en guerre de l’URSS.

L’Iran, entre le marteau russe et l’enclume britannique

Avant l’ascension de Reza Khan, l’Iran se retrouve tiraillée entre deux puissances coloniales rivales : la Russie et la Grande-Bretagne. Ces deux pays convoitent les richesses de la Perse, notamment ses vastes réserves de pétrole. La Russie, de son côté, voit dans l’Iran un terrain propice à son expansionnisme en Asie. Elle cherche à étendre son influence dans la région et à sécuriser ses frontières méridionales. Les Britanniques, quant à eux, considèrent l’Iran comme un élément clé de leur stratégie en Asie du Sud-Ouest. Ils souhaitent protéger leurs intérêts commerciaux et assurer leur domination sur les routes maritimes menant aux Indes.

Face à cette situation, les deux puissances signent en 1907 la Convention anglo-russe, divisant de fait l’Iran en trois zones d’influence : une sphère russe au nord, une sphère britannique au sud et une zone tampon centrale. Ce partage arbitraire met fin à l’indépendance de l’Iran et soumet le pays à une tutelle étrangère.

L’arrivée au pouvoir des Soviétiques en Russie ne modifie pas fondamentalement la situation. Au contraire, les Britanniques redoublent d’efforts pour consolider leur présence en Iran. Ils proposent au Shah Ahmed le traité anglo-persan de 1919. Celui-ci garantie l’accès aux champs de pétrole iraniens et donne le statut d’Etat client à l’Iran. Bien que signé par le Shah, ce traité est rejeté par le Parlement iranien.

Le règne de Reza Shah marque un tournant dans les relations de l’Iran avec les grandes puissances. Bien que son accession au pouvoir ait été facilitée par le soutien britannique, Reza Shah cherche à affirmer l’indépendance de son pays et à réduire l’influence étrangère. Il se rapproche ainsi de l’Union soviétique et signe avec elle un traité de non-agression qui autorise l’Armée Rouge à intervenir en Iran en cas d’attaque extérieure.

L’Iran entre les mailles du jeu géopolitique : le cas de l’Allemagne

Parallèlement à son rapprochement avec la Russie, Reza Shah manifeste une grande admiration pour l’Allemagne. Il voit en ce pays un modèle de développement industriel et militaire. Cette germanophilie se traduit par l’accueil de nombreux ingénieurs et techniciens allemands en Iran, qui contribuent à moderniser le pays. L’Allemagne devient ainsi le principal partenaire commercial de l’Iran. On estime à environ 2 500 le nombre d’Allemands présents sur le territoire iranien à cette époque.

Cependant, au début de la Seconde Guerre mondiale, le Shah proclame la neutralité de l’Iran. Bien qu’il admire les réalisations de l’Allemagne nazie, il ne partage pas son idéologie. De plus, il craint les ambitions expansionnistes de ses puissants voisins, la Grande-Bretagne et l’Union soviétique. Il cherche ainsi à préserver l’indépendance de son pays en évitant de s’aligner sur l’un ou l’autre camp.

Cette position de neutralité ne convainc pas les Britanniques, qui accusent le Shah de sympathie nazie et craignent une éventuelle ingérence allemande en Iran. Face à cette propagande hostile et sentant le danger grandir, Reza Shah décide de modifier sa politique étrangère et de se rapprocher de nouveau de la Grande-Bretagne. Ce revirement stratégique vise à apaiser les tensions avec Londres et à protéger l’Iran d’une éventuelle invasion.

Le Moyen-Orient, poudrière du monde : l’enjeu du pétrole

En 1941, le Moyen-Orient se trouve au cœur d’une instabilité croissante, directement liée aux tensions de la Seconde Guerre mondiale. Les Alliés, confrontés à de nombreuses difficultés sur tous les fronts, voient leur situation se complexifier davantage. L’Afrikakorps, sous le commandement du maréchal Rommel, progresse en Afrique du Nord et menace sérieusement les positions britanniques en Égypte. Parallèlement, le régime de Vichy, allié de l’Allemagne nazie, concède à la Luftwaffe l’utilisation de bases en Syrie, renforçant ainsi la présence allemande dans la région.

C’est dans ce contexte que se produit un coup d’État en Irak, mené par Rachid Ali al-Gaylani. Le 2 avril 1941, un gouvernement pro-nazi s’installe à Bagdad. Cette prise de pouvoir revêt une importance stratégique majeure pour les Britanniques, car l’Irak est l’un de leurs principaux fournisseurs de pétrole. La chute de ce pays entre les mains des Allemands aurait de graves conséquences pour l’approvisionnement en carburant des forces alliées.

Face à cette menace, les Britanniques réagissent en renforçant considérablement leur présence militaire dans la région. La 10e armée britannique, soutenue par d’importants moyens aériens, est déployée au Moyen-Orient. L’objectif est clair : empêcher l’expansion allemande et rétablir un gouvernement pro-britannique en Irak. Après plusieurs semaines de combats, les forces britanniques parviennent à leurs fins. Rachid Ali est chassé du pouvoir le 31 mai 1941 et un nouveau gouvernement, favorable aux Alliés, est mis en place. Cette victoire permet aux Britanniques de sécuriser leurs approvisionnements en pétrole et de consolider leur position dans une région qui reste néanmoins instable.

Diplomatie iranienne Seconde Guerre mondiale
La délégation iranienne à la Société des Nations en 1927

Les soviétiques en péril

Tandis que le conflit mondial fait rage en Europe, l’URSS se retrouve brutalement attaquée par l’Allemagne nazie le 22 juin 1941. Face à cette menace existentielle, les Soviétiques ont désespérément besoin de soutien militaire. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis, sous la présidence de Roosevelt, fournissent une aide massive à leurs alliés grâce à la loi Prêt-Bail. Winston Churchill, conscient de l’importance de soutenir l’effort de guerre soviétique, parvient à convaincre Roosevelt de détourner une partie de ce matériel vers l’URSS.

Pour assurer la livraison de ces équipements indispensables, les Britanniques et les Soviétiques mettent en place un plan audacieux : l’opération « Countenance ». L’objectif est clair : envahir l’Iran, un pays neutre jusqu’alors, afin de sécuriser les routes d’approvisionnement vers l’Union soviétique et de prendre le contrôle de ses infrastructures, notamment pétrolières.

L’invasion britannique-russe

Ce qu’il faut retenir :

  • Le but est de sécuriser l’approvisionnement de matériels alliés vers l’URSS.
  • En tout, 59 000 soldats britanniques et russes prennent part à l’invasion.
  • Trop peu préparée et équipée, l’armée iranienne ne fait pas le poids.
  • Les combats durent moins de 80 heures.
  • Le pays reste neutre dans un premier temps, mais les alliés saisissent les moyens de communication.
  • L’Iran déclare la guerre à l’Allemagne en 1943.

Les préparatifs de l’opération Countenance

L’opération « Countenance » est minutieusement planifiée pour le 25 août 1941. Les Britanniques et les Soviétiques, tout en ayant des objectifs communs, agissent de manière coordonnée sur différents axes. Un aspect notable de cette opération est l’absence de déclaration de guerre formelle à l’Iran. Les deux puissances envahissantes justifient leur intervention par la nécessité de sécuriser les voies d’approvisionnement vers l’URSS et de prévenir une éventuelle occupation allemande du pays. Cette absence de déclaration de guerre souligne le caractère opportuniste et pragmatique de cette entreprise militaire.

En termes de forces engagées, l’URSS mobilise environ 40 000 hommes pour cette opération. Les Britanniques, de leur côté, rassemblent près de 19 000 soldats. Ces chiffres témoignent de l’importance stratégique accordée à cette intervention, même si les effectifs engagés sont relativement modestes par rapport aux grands fronts de la Seconde Guerre mondiale.

Le déroulé des combats

L’opération « Countenance » se déroule avec une rapidité déconcertante. Les troupes soviétiques pénètrent en Iran par le nord, tandis que les forces britanniques progressent depuis le sud. Les combats, bien que féroces, sont de courte durée. En moins de 80 heures, la résistance iranienne est brisée. Le bilan humain est lourd : près de 1100 personnes trouvent la mort, dont environ 1000 Iraniens.

La marine iranienne est particulièrement touchée par cette offensive. Les navires de guerre iraniens, notamment le Tiger et le Leopard, sont coulés par les forces britanniques. Au total, ce sont cinq navires de guerre iraniens qui coulent durant ces affrontements, entraînant la mort de près de 600 marins. Les navires survivants sont réquisitionnés par les forces victorieuses.

L’aviation iranienne, quant à elle, ne parvient pas à infliger de pertes significatives aux envahisseurs. Les avions iraniens sont rapidement détruits au sol, et l’armée de l’air iranienne est démantelée. Cette incapacité à s’opposer à la supériorité aérienne alliée contribue grandement à la rapidité de la victoire britannique et soviétique.

Soldat soviétiques et russes en Iran
Soldats soviétiques et russes en Iran

Un pays mis sous tutelle

Face à l’avancée des troupes alliées, Reza Shah, sous pression soviétique et britannique, abdique le 16 septembre 1941. Son fils, Mohammad Reza Pahlavi, lui succède. Cette abdication marque un tournant majeur dans l’histoire de l’Iran, qui se retrouve désormais sous tutelle étrangère. Les Alliés décident de maintenir la neutralité officielle de l’Iran et de laisser en place l’administration iranienne. Cependant, le traité signé entre les trois puissances stipule que les Soviétiques et les Britanniques conservent le contrôle des moyens de communication du pays. De plus, il est prévu que les forces d’occupation quitteront le territoire iranien six mois après la fin de la guerre.

Les États-Unis, bien que neutres à cette époque, soutiennent activement l’effort de guerre allié. Le président Roosevelt ordonne la création de l’US Military Iranian Mission le 27 septembre 1941. Elle est chargée d’aider les Britanniques dans leur mission en Iran. Par ailleurs, les États-Unis incluent l’URSS parmi les bénéficiaires du programme Prêt-Bail en novembre 1941, renforçant ainsi l’alliance entre les trois grandes puissances.

Finalement, c’est le 29 juin 1942 que l’Iran signe un traité d’alliance avec les Soviétiques et les Britanniques. Cette alliance marque une étape importante dans l’implication de l’Iran dans la Seconde Guerre mondiale. En 1943, l’Iran déclare officiellement la guerre à l’Allemagne nazie, renforçant ainsi sa position au sein du camp allié.

Invasion britannique et russe en Iran
Convoi britannique et russe en Iran

Une famine hors de contrôle

Parallèlement aux combats et aux changements politiques, l’occupation alliée de l’Iran engendre une crise humanitaire d’une ampleur considérable : une famine qui ravage le pays. Les Soviétiques, en particulier, aggravent la situation en saisissant une partie des terres cultivables, réduisant ainsi la production agricole. Parallèlement, les forces d’occupation réquisitionnent la moitié des véhicules iraniens et limitent drastiquement l’approvisionnement en pièces détachées, paralysant ainsi le système de distribution alimentaire.

L’arrivée massive de troupes alliées exerce une pression supplémentaire sur les ressources alimentaires déjà limitées. Le prix des denrées alimentaires explose. Entre 1939 et 1943, le prix moyen de la nourriture à Téhéran augmente ainsi de 555%.

Face à cette crise, les Alliés, et notamment les Britanniques, se montrent relativement indifférents aux souffrances de la population civile. Bien que l’Iran demande 160 000 tonnes de nourriture, les Britanniques n’en accordent que 30 000. C’est finalement en décembre 1942 que les Alliés et l’Iran signent une déclaration tripartite sur l’alimentation, reconnaissant la responsabilité du gouvernement iranien en matière de distribution, mais s’engageant à fournir une aide alimentaire jusqu’aux prochaines récoltes. Les Soviétiques, de leur côté, annoncent en avril 1943 l’envoi de blé en Iran.

Malgré ces mesures, la situation reste précaire. Les maladies se propagent, la famine sévit et emporte chaque jour un grand nombre de personnes. Les estimations du nombre de victimes varient considérablement, mais l’auteur et économiste agricole Mohammad Gholi Majd avance un chiffre de 3 à 4 millions de morts. Il convient toutefois de noter que cette estimation est contestée par certains historiens, qui soulignent la difficulté d’évaluer précisément les pertes démographiques liées à cette période.

Un challenge logistique

Ce qu’il faut retenir :

  • Les Britanniques n’arrivent pas à développer assez les infrastructures pour répondre à la demande.
  • La géographie et le manque de main d’oeuvre qualifiée complexifie la logistique.
  • Les Soviétiques peuvent encore s’appuyer sur d’autres voies d’approvisionnement que l’Iran.

Des infrastructures insuffisantes

Malgré les efforts entrepris pour moderniser les infrastructures iraniennes, le pays fait face à des défis considérables en matière de transport. Le Trans-Iranien, bien que relativement récent, souffre déjà de capacités limitées. Cette voie ferrée ne permet en effet de faire circuler qu’un seul convoi de 200 tonnes par jour, ce qui handicape considérablement le transport de marchandises à travers le pays.

Le réseau routier iranien n’est guère plus performant. Les routes sont souvent en mauvais état, rendant les déplacements difficiles et dangereux, notamment en période hivernale. Les infrastructures portuaires ne sont pas non plus à la hauteur des besoins du pays. Le port de Khorramchahr, par exemple, se résume à un quai et une grue, ce qui limite considérablement les capacités de chargement et de déchargement des navires.

Livraison d'une locomotive pour le trans-iranien
Livraison d’une locomotive pour le trans-iranien (source : USACE Digital Library)

Un effort logistique en demi-teinte

Si l’opération « Countenance » a permis d’ouvrir une nouvelle route d’approvisionnement vers l’URSS, les résultats obtenus sont loin d’être à la hauteur des attentes. Fin 1942, malgré les efforts déployés, l’URSS n’a reçu que 353 000 tonnes d’aide par le corridor iranien, un chiffre bien en deçà des objectifs fixés.

Les infrastructures iraniennes, déjà limitées avant la guerre, se sont révélées insuffisantes pour supporter un trafic aussi important. Au port de Khorramchahr, malgré la construction d’un quai supplémentaire, les navires de transport doivent souvent attendre plusieurs semaines avant de pouvoir décharger leur cargaison. Quant au réseau ferroviaire, bien que le nombre de locomotives ait doublé, permettant d’acheminer jusqu’à 650 tonnes de fret par jour, ce chiffre reste très inférieur aux 3000 tonnes initialement prévues.

Plusieurs facteurs expliquent ces difficultés. Tout d’abord, les Britanniques, engagés sur de multiples fronts au Moyen-Orient, ne peuvent allouer toutes leurs ressources à l’amélioration des infrastructures iraniennes. Ensuite, la géographie du pays, avec ses chaînes de montagnes et ses zones désertiques, rend les travaux d’aménagement particulièrement difficiles et coûteux. Enfin, le manque de main-d’œuvre qualifiée locale ralentit considérablement les progrès.

Malgré ces problèmes, Staline ne semble pas particulièrement pressé d’exiger de meilleurs résultats des Britanniques. En effet, l’URSS dispose d’autres voies d’approvisionnement, notamment par la route de l’Extrême-Orient et le Transsibérien. Le corridor iranien, bien qu’important, n’est donc pas considéré comme une priorité absolue par le dirigeant soviétique.

L’arrivée des américains

Ce qu’il faut retenir :

  • Les autres voies étant menacées, l’Iran devient vital.
  • Les Etats-Unis développent massivement les réseaux ferroviaires et routiers et construise un nouveau port.
  • La voie iranienne devient ainsi essentielle pour l’URSS.
  • Il permet aussi l’échange de prisonniers entre soviétiques et Occidentaux (polonais et malgré-nous).

Une voie devenue essentielle

À partir de 1942, l’importance stratégique de l’Iran ne cesse de croître. La menace allemande plane sur le Moyen-Orient et le Caucase, mettant en péril les approvisionnements vitaux pour les Alliés. L’Afrikakorps, sous le commandement du maréchal Rommel, se rapproche dangereusement du canal de Suez, ce qui menacerait les communications entre la Grande-Bretagne et ses colonies, notamment l’Inde. Simultanément, l’avancée allemande dans le Caucase vise à sécuriser les ressources pétrolières de la région, essentielles à l’effort de guerre allemand.

Ces développements militaires mettent en péril les deux principales voies d’approvisionnement de l’URSS. La route de l’Extrême-Orient est menacée par l’avancée japonaise, tandis que le Transsibérien subit les attaques allemandes.

C’est dans ce contexte que l’Iran, bien que sous-développé, prend une importance cruciale. Ce pays devient un pont aérien essentiel pour acheminer l’aide américaine vers l’URSS. Les États-Unis, entrés en guerre fin 1941, accélèrent les opérations en Iran afin de sécuriser cette route vitale.

Iran Amérique Seconde Guerre Mondiale
Roosevelt en visite à Amirabad (source : USACE Digital Library)

Des investissements à la hauteur de l’enjeu

Face à l’urgence de la situation, les États-Unis lancent un vaste programme d’investissement et de développement des infrastructures en Iran. Pour pallier le manque de main-d’œuvre qualifiée, l’armée américaine crée le Persian Gulf Command. Celui-ci atteindra jusqu’à 30 000 hommes. Les américains construisent également une véritable ville dans le désert abritant près de 10 000 personnes : le Camp Amirabad.

Ces derniers sont aussi appuyés par 80 000 travailleurs iraniens, dont la loyauté est assurée grâce à une distribution régulière de nourriture, ressource vitale dans un pays frappé par la famine. Les Américains construisent 36 camps, 44 aérodromes et un nouveau port à Cheybassi, transformant ainsi un pays enclavé en une plaque tournante logistique.

Le réseau ferroviaire subit également une profonde transformation. Le nombre de locomotives est triplé, permettant d’augmenter la longueur et la fréquence des convois. Le tonnage transporté quotidiennement passe ainsi de 650 tonnes à 3400 tonnes, facilitant considérablement le transport de matériel vers l’URSS.

Le réseau routier n’est pas en reste. La construction de 800 kilomètres de nouvelles routes et la rénovation d’axes existants permettent de créer une véritable artère vitale reliant le golfe Persique aux frontières soviétiques. Pour assurer un flux continu de camions, la route est divisée en quatre tronçons, chacun disposant d’un camp de repos où les chauffeurs sont relayés et les véhicules ravitaillés. Le syndicat américain des chauffeurs recrute 1000 conducteurs volontaires, qui sont accompagnés de 3155 Iraniens formés à la conduite de camions.

Grâce à ces efforts considérables, l’Iran devient un véritable pont aérien et terrestre pour acheminer l’aide américaine vers l’URSS. Les camions et le Trans-Iranien assurent à eux seuls le transport de 650 000 tonnes de carburant sur les 2,9 millions de tonnes envoyées vers l’Union soviétique.

Livraison de camion de l'Iran vers l'URSS
Livraison du 30 000e camion vers l’URSS (source : USACE Digital Library)

Un pont aérien et terrestre au service de la victoire

Les investissements massifs réalisés en Iran portent rapidement leurs fruits. Les efforts déployés pour moderniser les ports permettent d’augmenter considérablement la capacité de déchargement. En 1941, seuls 6000 tonnes de marchandises pouvaient être déchargées. En 1943, ce chiffre est multiplié par plus de 16, atteignant 100 000 tonnes.

Cette amélioration des infrastructures joue un rôle déterminant dans le soutien de l’effort de guerre soviétique. Plus d’un tiers des avions américains livrés à l’URSS, soit 4874 appareils, transitent par l’Iran. De même, 45% des 409 526 camions envoyés en soutien aux forces soviétiques empruntent cette route.

Mais l’Iran ne sert pas uniquement au transport de matériel militaire. Le pays joue également un rôle de corridor pour les Hommes. Les 116 000 soldats et civils polonais de l’armée d’Anders, ainsi que 1500 malgré-nous, sont envoyés en Iran pour échapper aux persécutions nazies.

Livraison d'avion vers l'URSS depuis l'Iran
Bombardiers en attente de transfert vers l’URSS (source : USACE Digital Library)

L’Iran lors de la fin de la Seconde Guerre mondiale

Avec la capitulation de l’Allemagne nazie et la fin des hostilités en Europe, l’importance stratégique de l’Iran se réduit considérablement. La maîtrise alliée de la Méditerranée et de la mer Noire rendent les routes maritimes vers l’URSS plus sûres et moins coûteuses. Par conséquent, l’Iran, qui avait joué un rôle crucial dans l’effort de guerre, perd de son intérêt.

Le 31 décembre 1945, les forces américaines et britanniques quittent le territoire iranien. Avant de partir, elles rétrocèdent au gouvernement iranien les infrastructures et le matériel non déplaçable pour une somme symbolique de 10 millions de dollars. Malgré les investissements massifs réalisés pendant la guerre, l’Iran n’a retiré qu’une faible part des bénéfices économiques de cette aventure.

Sur les 17,5 millions de tonnes de matériels envoyés par les États-Unis à l’URSS, 23,8% ont transité par l’Iran, témoignant de l’importance de cette route d’approvisionnement pendant le conflit.

Cependant, l’après-guerre est marquée par de nouvelles tensions. Les Soviétiques, en violation des accords internationaux, retardent leur retrait des territoires iraniens qu’ils occupent. Cette attitude conduit l’Iran à déposer la première plainte devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère de tensions internationales et contribuant à l’émergence de la Guerre froide.

Conclusion

Paradoxalement, l’invasion anglo-soviétique de l’Iran, bien qu’ayant entraîné de nombreuses souffrances pour la population, a paradoxalement été un accélérateur de modernisation pour le pays. Sous la pression de la guerre, les Alliés ont investi massivement dans les infrastructures iraniennes, les transformant en un pont logistique essentiel pour l’effort de guerre. Ce développement forcé a laissé des traces durables dans le paysage économique et social du pays.

Cette période a également marqué le début de relations étroites entre l’Iran et les États-Unis, qui perdureront jusqu’à la Révolution islamique de 1979. Le soutien américain pendant la Seconde Guerre mondiale a renforcé les liens entre les deux pays, donnant naissance à une alliance stratégique qui a façonné la politique étrangère iranienne pendant plusieurs décennies.

Les séquelles de cette période continuent de faire débat. En 2010, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a officiellement demandé aux Nations Unies d’évaluer les compensations versées à l’Iran pour les dommages subis pendant la Seconde Guerre mondiale, qu’il jugeait insuffisantes. Cette demande témoigne de la complexité de l’héritage laissé par cette période et de la volonté de l’Iran de faire reconnaître les souffrances endurées par sa population.

infographie iran seconde guerre mondiale

Sources

  • Guerres et Histoire n°74
  • The Famine the World Forgot – Vidéo de la chaîne YouTube World War Two
  • Grey Art Museum
  • Site du Dr. Kaveh Farrokh
  • Iranwire
  • Foxnews
  • Naval-encyclopedia.com
  • IAAF
  • Industrialization in Iran 1900-1941 de Willem Floor
  • Picryl
  • USACE Digital Library
  • National Museum of Asian Art
  • Bibliothèque Nationale de France

 

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