Souvent éclipsé par les légendaires gladiateurs, de nombreux autres sports étaient pourtant très populaires dans la Rome antique. Parmi ces derniers, on retrouve la course de chars. Cette activité est-elle la même que l’idée que s’en fait la pop culture avec des œuvres comme Ben-Hur ?
Fonctionnement d’un char romain
Sur le plan de la construction, le char de course se composait en bonne partie en bois, ce qui lui donnait une légèreté parfaite pour la vitesse. Selon l’archéologie expérimentale, le châssis était cintré dans un tasseau de bois chauffé dans une étuve. Ensuite, 2 tasseaux reliés par des liens en cuirs pour servir de plancher et de garde-corps. Les éléments composants les roues s’assemblaient sans vis ni clous, mais emboîtées au maillet avant d’être cerclé par un morceau de fer.
Conduire l’un de ces engins étaient une tâche ardue. Le pilote devait diriger ses chevaux, mais aussi savoir garder l’équilibre. Pour cela, ils enroulaient les rênes autour de leurs tailles, ce qui permettait la prise de virage serré. L’aurige (mot désignant le conducteur) suivait donc une longue formation avant de monter sur un vrai char. Pour les propriétaires, la vie d’un conducteur était négligeable, mais l’engin était onéreux. Les chevaux menant l’attelage venaient pour la plupart d’Afrique du Nord, territoire réputé pour la qualité de ses élevages.
Déroulement d’une course de chars
Selon la configuration de la course, les écuries alignaient des véhicules propulsés par 2 ou 4 bêtes. La plupart du temps, chaque écurie fournissait 2 ou 3 concurrents. Le nombre d’attelages pouvait donc grimper à 12. Avant l’arrivée des spectateurs, les responsables humidifiaient la piste afin d’empêcher les soulèvements de nuages de poussières. Pour faire patienter les gens, les organisateurs jetaient aussi des boules en bois dans les gradins. Ces sphères contenaient des lots pouvant aller de quelques animaux de fermes à une maison.
La responsabilité du signal de départ revenait au commanditaire de la course. Une épreuve durait en général entre 8 et 9 minutes pour une vitesse moyenne de 35 km/h. Avec un temps si limité, les organisateurs pouvaient enchaîner plus de 20 courses en une journée ! Les tours se comptaient grâce à des statuts de dauphins, symbole de Neptune, le Dieu de la mer et des chevaux. À chaque passage, l’une des représentations du mammifère marin s’abaissait. Au total, les chars réalisaient 7 tours de pistes, ce qui représente une distance de 6 kilomètres.
Les auriges superstars
Signifiant cocher en latin, ce nom désignait les conducteurs de char. Le plus connu était Flavius Scorpus, vainqueur de 2 048 courses en 10 ans. Ces derniers couraient pour le compte d’une écurie (une factio, qui donnera le mot faction). Chaque faction achetait les chevaux, payait les chars et recrutait puis formait les pilotes. Ces dernières étaient au nombre de 4 et se nommaient par couleurs, portées par les auriges et les supporters : bleu, vert, rouge et blanc. Ces couleurs incarnaient les 4 saisons et chacune étaient placées sous la protection d’une divinité différente. Les auriges venaient quasiment tous du bas peuple ou des rangs des esclaves. Ils commençaient très jeunes : certains avaient à peine 10 ans à leurs débuts.
Certains romains faisaient dessiner des gravures représentant leur aurige préféré sur leurs tombes. Ces icônes servaient de talisman censé porté chance au défunt. D’autres invoquaient le nom de leurs chevaux dans les prières. Autour des pistes, des commerçants vendaient des produits dérivés à l’effigie des pilotes ou de leurs chevaux comme des lampes à l’huile.
La course de chars et ses dangers
Pour un esclave, le métier d’aurige était parfois un rêve. En effet, ce travail était moins éprouvant et pouvait mener à la liberté. En course, les accidents étaient très fréquents : les chars pouvaient entre autres s’encastrer dans les murs d’enceintes. Certains auriges tentaient aussi de se débarrasser de leurs adversaires en les faisant tomber. Un compétiteur chutant était quasiment certains de se faire piétiner par les chevaux derrière lui. Les pilotes enroulant leurs rênes autour de la taille, ils pouvaient aussi être traînés par les bêtes.
Contrairement aux représentations modernes, le garde-corps n’arrivait pas à la taille, mais plus bas que les genoux. De plus, le char était lié aux chevaux uniquement au niveau de leurs épaules. Les animaux pouvaient donc totalement désaxer leurs croupes. Les conducteurs effectuaient donc un véritable numéro d’équilibriste tout en devant garder le contrôle de ces bêtes. Même les meilleurs ne sont pas à l’abri de la mort : le célèbre Scorpus aux innombrables victoires décédera à l’âge de 27 ans.
Le marché juteux des paris
Miser de l’argent sur un concurrent ou une équipe n’est pas une invention du sport moderne. Les Romains étaient connus pour être des joueurs compulsifs à tel point que les paris étaient officiellement condamnés par la loi. Mais, face aux gains faciles et potentiellement colossaux, de nombreux citoyens s’y livraient plus ou moins discrètement. Les Romains jouaient même en attendant les épreuves. Les archéologues ont retrouvé dans les ruines de l’hippodrome de Carthage (Tunisie) des dés. Les spectateurs devaient donc probablement miser aussi sur cette activité.
Pratiques interdites, les malédictions étaient pourtant courantes dans les quartiers pauvres. Des sorciers y maudissaient les auriges et les chevaux des écuries contre de l’argent. Les mots étaient inscrits sur une feuille de plomb nommé tablette d’exécration. Ces morceaux de métal s’enterraient ensuite enterrés pour les rapprocher des forces souterraines ou cachés dans l’enceinte de la piste.
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Du pain et des jeux
Originellement écrite par le poète latin Juvénal pour son ouvrage Satire X, cette expression résume parfaitement l’arme politique que représentent les courses hippiques pour les dirigeants Romains.
Construit par Tarquin l’Ancien (616-578 avant J-C), le Circus Maximus est la vitrine de cette doctrine et n’aura de cesse d’être modernisé par les souverains suivants. Plus grand hippodrome romain, ce dernier mesurait l’équivalent de 18 terrains de foot et pouvait accueillir jusqu’à 100 000 personnes. Les courses donnaient lieu à des célébrations nommées Pompa où la foule acclamait l’empereur pour l’organisation des jeux.
Les empereurs cherchaient à s’associer aux auriges afin de bénéficier d’une partie de leurs gloires, mais aussi rappeler qui paient les jeux. Le souverain s’assurait de ce fait une image de dirigeant proche de son peuple. Les courses étant nécessaires pour garder la population heureuse, les écuries pouvaient se permettre de fixer les prix de leurs choix aux organisateurs, même si celui-ci dirige le monde romain. L’hippodrome était, pour la majeure partie de la population, le seul endroit où ils pouvaient apercevoir l’empereur. Ce dernier devait donc s’y mettre en scène pour rester populaire. Ci-dessous, une vidéo d’une course de char réalisée au Puy du Fou. Vous pourrez y remarquer quelques erreurs de reconstitution dont notamment le garde de corps du char bien trop élevé.
Conclusion sur la course de chars
Il serait facile de dire que l’équivalent actuel de ces spectacles sont les courses motorisées comme la F1, mais cette affirmation serait fausse. En effet, on n’y retrouve pas la philosophie des courses de chars de la Rome Antique. L’idée était que le danger faisait partie du show. Grâce à cette vision particulière, les auriges connaissaient une renommée fulgurante et une richesse inespérée. Ces pilotes intrépides payaient malheureusement cette réussite de leurs vies.
De nos jours, l’activité représentant le plus l’esprit de la course de chars serait le Palio. Ce type de course oppose des cavaliers divisés par quartiers. Chaque secteur et concurrent le représentant dispose de sa propre couleur. La veille de l’épreuve, les supporters prient pour leurs équipes. Ici aussi, tous les coups sont permis et les coups de cravache fréquents. Le plus connu est probablement le Palio de Sienne.
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