Contrairement à certaines idées reçues, l’immigration de masse n’est pas un phénomène nouveau dans l’Histoire. Dans l’Antiquité, les Helvètes (peuple gaulois qui vivait en Suisse actuelle) avaient déjà tenté un exode qui deviendra le point de départ de l’ascension fulgurante d’un certain Jules César.
Le rôle crucial d’Orgétorix
À la base de ce projet d’exode du peuple Helvète se trouve un homme : Orgétorix. En 61 avant J-C, celui-ci est le chef des Helvètes (c’est un noble élu et non pas un roi). Jugeant le territoire Helvète trop petit au regard de sa population, Orgétorix convint son peuple de la nécessité d’un exode et fait passer une loi donnant 3 ans avant la mise en marche. En coulisse, Orgétorix poursuit aussi un but bien plus personnel : il veut devenir roi. Pour ce faire, il noue une alliance avec le Séquanais Casticus et l’Eduen Dumnorix.
Toutefois, les ambitions royales d’Orgétorix seront dénoncées et celui-ci sera jugé avec la peine possible d’être brûlé vif. Ce dernier devra son salut à la pression exercée sur le « tribunal » par ses clients et débiteurs, ce qui provoquera la colère de la population. Orgétorix sera d’ailleurs retrouvé mort peu de temps après, la version officiel des Helvètes étant que l’ancien chef s’était suicidé.
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L’épopée catastrophique
Malgré la mort d’Orgétorix, les Helvètes maintiennent le projet d’exode qui débutera entre 59 et 58 avant J-C. Les Helvètes incendient alors leurs 12 villes, 400 villages et leurs champs pour s’interdire tout retour en arrière. Ils convainquent aussi des tribus voisines de les suivre dans cet exode. Aucune source ne donne le nombre total d’Helvètes prenant part à cet exode, mais des tablettes écrites en grecques et retrouvées par César font état de 360 000 guerriers (Helvètes ou d’autres tribus gauloises) prenant part à cette immigration.
Dès le départ, les Helvètes se trouvent confrontés à la première difficulté : pour sortir de leur territoire, ils doivent passer par celui des Allobroges, une tribu s’étant récemment alliée à Rome. Apprenant les négociations pour un droit de passage, César part de Rome avec une légion en direction de Genève (la grosse ville Allobroges du secteur).
Arrivée sur place, il fait couper les ponts menant à Genève et lève une armée. Ayant appris l’arrivée des Romains, les Helvètes envoient une ambassade pour négocier le droit de passage que César refusera d’accorder sous prétexte de l’affront commis en 107 avant J-C par les Helvètes à la bataille d’Agen qui avaient battu et tué le consul Lucius Cassius.
Face à ce refus, les Helvètes ne tentent pas de confronter les romains et vont négocier un droit de passage avec les Séquanais qui sera cette fois accepté. Comme convenu par le traité, les Helvètes traversent le territoire Séquanais (actuel Jura) sans heurts. Arrivée sur le territoire des Eduens (actuelle Bourgogne), les Helvètes commencent à se livrer aux pillages.
La guerre romano-Helvète
Trop faible pour se défendre, les Eduens appels César à l’aide. Le romain accepte d’aider cette « tribu amie de Rome » et part avec 5 légions. César tombe pour la première fois sur les Helvètes lors de leur traversée de la rivière Saône. Les gaulois ont déjà fait passer les 3/4 de leur armée lorsque César découvre le 1/4 restant sur sa rive. Face à cette situation favorable, César engage le combat avec ses légions et défait le dernier quart n’ayant pas traversé.
Après sa victoire, César fait construire un pont pour permettre à ses troupes de passer la rivière. Devant la facilité déconcertante des Romains à traverser la Saône, les Helvètes envoient une ambassade négocier la paix que César refusera. 15 jours passent sans rien de nouveau mis à part une escarmouche entre cavaliers. La poursuite des Helvètes par César est alors stoppée à cause d’un conflit interne : l’armée de César ne reçoit pas le ravitaillement en blé promis pour son armée par les Eduens.
Étant proche de Bibracte (la capitale Eduen), César décide de s’y ravitailler en blé. Apprenant la situation, les Helvètes tentent de couper les lignes de ravitaillement de César. En réponse, les Romains se retranchent sur une colline. Un premier assaut Helvète est lancé en formation phalange, mais est repoussé par des jets de javelots. Un second assaut est à nouveau lancé par les Helvètes d’un côté et les Boïens et Tullingues (alliés des Helvetes) de l’autre côté, ce qui force les Romains à combattre sur 2 flancs.
Finalement, la bataille qui a commencé à 7 heures du matin se termine le soir : les Helvètes et leurs alliés sont repoussés, ce qui permet aux Romains de capturer leurs camps et bagages. Les Helvètes fuient alors que les troupes de César restent 3 jours sur place pour soigner les blessés et enterrer les morts. Épuisés et ayant abandonné leurs biens, les Helvètes finissent par demander à nouveau la paix à César. Celui-ci l’accepte en échange des armes et d’otages ainsi que la remise des esclaves ayant fui.
On ignore le nombre de pertes des 2 côtés, mais après un recensement Romain, il est compté 110 000 guerriers gaulois encore en vie sur les 360 000 présents au départ de l’exode (chiffres probablement exagéré). Par la suite, César ordonnera aux Helvètes de retourner sur leur territoire en leur donnant du blé (les Helvètes ayant tout brûlé avant de partir) afin d’éviter une installation de tribus germaniques.
Au contraire des Helvètes qui ont tout perdu dans cet exode, César y gagne énormément. Les autres tribus gauloises envoient des députés féliciter César pour sa victoire et l’inviter à une séance de l’assemblée générale gauloise. De plus, certains députés s’entretiennent en privé avec César pour solliciter son aide contre une installation germanique en Gaule : César avait trouvé son prétexte pour envahir la Gaule.